Ah ! qu’il était heureux Candide en son jardin,
Tout plein d’une sagesse empreinte de dédain.
Dédain d’un monde en proie aux trépidations vaines,
Dédain d’un monde empli de rancœurs et de haine ;
Dédain des courseurs d’or, de faveurs et d’honneurs,
Dédain des dandies, grands dadais et gourgandins ;
Dédain des dandinants dindons et des donneurs
De conseils à l’usage exclusif des mondains.

Oui ! qu’il était heureux Candide en son jardin,
Tout plein de sa sagesse empreinte de dédain.
Dédain des grands penseurs bien pansus dont la glose
Change le meurtre en gloire et le chardon en rose ;
Dédain des mots en –isme et des fumeux systèmes
Pondus par des cerveaux obtus, brillants et fiers ;
Dédain des grands serments et des fougueux « je t’aime »
Que le temps a tôt fait de réduire en poussière.

Mais n’est-il pas facile, oui vraiment trop facile
D’ainsi se réfugier dans le sarcasme et l'ironie ?
En esprit supérieur, de traiter d’imbécile
L’ardent qui œuvre encore pour une cause, une utopie ?

Ah ! qu’il était heureux Candide en son enclos
De sulfater ses fleurs pour garder les yeux clos.
Oui ! qu’il était heureux de soigner ses boutures
Tandis qu’autour de lui s’essaimait la torture.
Il n’a pu s’empêcher d’avoir une pensée
Pour deux-trois résistants tués par l’oppresseur
Mais s’en est consolé en plantant des pensées,
Ce qui lui a coûté, c’est sûr, de la sueur.

Oh ! qu’il était heureux Candide en son Eden
De revêtir après l’effort son chaud Loden.
Oui ! qu’il était heureux, caché sous sa tonnelle,
Enduit d’anti UV, d’un peu de citronnelle.
Militants, combattants, syndicats, ONG,
Lui étaient devenus tout à fait étrangers
Pourquoi donc s’outrager ? Pourquoi donc s’engager ?
Ne vaut-il donc pas mieux de soigner son verger ?

Mais n’est-il pas facile ainsi de tout railler ?
De se désengager de tout et d’en tirer fierté ?
De biner son jardin jusqu’à tout oublier
Des tourments dont le monde est hélas agité ?