Le snob philosophe

J'suis du genre de gens
Qui fixe rendez-vous
Dans des endroits où
Ça fait intelligent

Librairies branchées,
Parvis de musées,
Ciné-clubs cachés :
J'agis en grand rusé !

Car moi les musées,
J'y mets pas les pieds ;
J'préfère m'amuser,
L'art ça me fait chier !

Les idées toute faites,
Le prêt-à-penser,
Les poses d'esthète,
Je les ai adoptés.

J'n'ai lu aucun livre,
J'ai l'art en horreur,
Mais c'qu'il faut en dire,
Je le connais par coeur.

Les apparences, les apparences,
J'suis spécialiste en apparences :
Tout est comédie et décorum !
Les apparences, les apparences,
Faut les soigner, les apparences :
Le mensonge est le propre de l'homme !



Vertu ou défaut,
Scrupuleux, je hante
Les lieux que fréquentent
Les gens bien comme il faut.

Les cafés philo,
Les salles de concert,
Les lieux stabilo
Qu'm'indique ma secrétaire.

Mais moi la philo,
Je n'y pipe rien ;
Je préfère au mot,
"Pourquoi?" le mot "combien?"

Combien coûte ta caisse ?
Combien coûte ta veste ?
Seules comptent les espèces,
Je me fous bien du reste !

Quant à l'opéra,
Ça me vrille les nerfs ;
Mais pour l'apparat,
J'applaudis à Wagner !


Armé d'étalons,
J'consacre un budget
A l'achat d'objets
Qui f'ront bien dans l'salon.

Tout un tas d'bouquins,
Les prix littéraires,
D'l'art contemporain,
Des trucs à faire braire !

Moi en matière d'art,
J'sens rien, je spécule ;
J'mesure en dollars,
Tiens l'reste pour ridicule.

Logos, cotes et marques,
Labels et grands noms,
Dior, Chanel et Starck,
Coûts et qu'en dira-t-on.

Seule compte la coquille
Et son pesant d'or ;
Pense comme une bille
Qui pense que j'ai tort.