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J’arpente les pentes de Montmartre,
J’y furète comme une martre ;
Et tandis qu’ils me croisent en chemin
Je vois des poulbots dans tous les gamins.
Ouais, je pass’ mes après-m’ à Montmartre
Comme jadis Beauvoir et Sartre,
Mais j’ai beau voir tout un tas d’jolies dames,
Privé de toi, je m’sens du vague à l’âme.
Alors en route pour Saint Sulpice
Mais ça sent l’épice et la pisse :
Je navigue entre Spleen et Idéal,
De Baud’laire je suis le féal.
Dans les vitraux de Saint Sulpice,
Tes yeux brillent comme des lapis :
Je pense à toi, c’est sûr, je t’enjolive,
Mais moi sans toi je suis un toit vain sans solives.
Seul, je suis seul
Qui erre dans Paris
Et je me sens veule,
Je me sens débris,
Depuis l’jour où tu es partie.
Seul, je suis seul,
Pél’rin dans ces lieux.
Je suis comme l’éteule
Qui ne pense, pieux,
Qu’au grain porté qu’on lui a pris.
N’était-on pas bien ensemble ?
C’est du moins ce qu’il me semble.
Est-ce mensonge si je dis
Qu’notre amour n’est pas maudit ?
Paris sans toi m’est dédale,
La vie sans toi vaut que dalle ;
Et s’il n’était pas trop tard,
Je t’attends, rue Mouffetard.
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Panthéon, Henri IV et Sorbonne,
Telle fut la plus belle des aumônes :
Nos regards, nos sourires qui se répondent ;
Nos cœurs qui sont sur la même longueur d’onde.
Coup de foudre au pied de la Sorbonne,
Fortune à nous qui parut bonne ;
Forts en « je t’aime » et sûrs de not’ latin,
Prêtant serment dans le Quartier Latin.
Marche magique le long de la Seine,
Le sang qui fuse dans nos veines,
Peintres, bouquinistes, marchands de fleurs :
Symphonie folle de couleurs
Défilant le long de la Seine,
On était mieux que roi et reine.
Mais pfuit ! plus rien d’tout ça, à qui la faute ?
Me v’là bouffon avec ton absence pour marotte.
Seul, je suis seul
Qui erre dans Paris
Et je me sens veule,
Je me sens débris,
Depuis l’jour où tu es partie.
Seul, je suis seul
Et me sens si vieux.
Je suis cet aïeul
Qui voit à cent lieues
Le grain de ce que fut sa vie.
N’était-on pas bien ensemble ?
C’est du moins ce qu’il me semble.
Est-ce mensonge si je nie
Qu’entre nous tout est fini ?
Paris sans toi m’est dédale,
La vie sans toi vaut que dalle ;
Et s’il n’était pas trop tard,
Je t’attends, rue Mouffetard.
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L’grand amour, vraiment, c’est un greffe-ailes :
Plein vol au-d’ssus d’la tour Eiffel !
C’est là qu’nous sommes partis en lune de miel
Comm’ pour mieux tutoyer le septième ciel.
Mais fier emblème du M.L.F. , elle
Est dame de fer, la tour Eiffel !
Forte, inflexible et capable de fiel,
Tel un moderne autel sacrificiel.
Te rappelles-tu le Trocadéro ?
Nos cœurs ardents comme braséros
Temps des troquets, des fêtes, des apéros,
Des compteurs remis à zéro.
Balade à deux au Trocadéro
Du temps où j’étais ton héros.
Mais à présent j’bois seul, j’ai le cœur gros :
On n’voyage plus dans la même rame de métro.
Seul, je suis seul
Qui erre dans Paris
Et je me sens veule,
Je me sens débris,
Depuis l’jour où tu es partie.
Seul, je suis seul,
Sans toi dans ces lieux.
Je suis comme une meule
Qui rumine au mieux
Quelques grains de passé enfui.
N’était-on pas bien ensemble ?
C’est du moins ce qu’il me semble.
Et s’il n’était pas trop tard,
Je t’attends, rue Mouffetard.
Paris sans toi m’est dédale,
Ensemble hissons la grand voile ;
J’rêve que tous deux nous gréons
Sur un air d’accordéon…
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